La
complainte de la Colombe
Dame Colombe avait atteint l'âge
Où
elle pouvait voler de ses propres ailes.
Elle
avait longtemps contemplé le ciel
Dans
l'attente du tant espéré voyage.
Elle
quitta un jour ses consœurs
Avec
un pincement au cœur.
Puis,
l'âme légère, elle s'éloigna
Pleine
de grâce, le cœur en joie.
Elle
survola, enthousiaste et charmée,
Mille
et un territoires merveilleux
Où
la nature, maîtresse des lieux,
S'imposait
avec splendeur et majesté.
Elle
se laissa porter par la brise marine
Et
contempla la pureté océane où se terminent
Le
tumulte du monde, le bruit sourd des machines
Qu'elle
avait entendus par-delà les collines.
La
caresse du vent sur ses ailes
Emplissait
son âme d'une ardeur nouvelle.
La
rumeur douce de l'onde claire
Se
mêlant aux couleurs crépusculaires
Embrasait
sa poitrine chétive
Et
provoquait en elle une ivresse inéprouvée.
Alors
elle virevoltait, telle une danseuse éthérée,
Entre
l'écume et les vagues fugitives.
Or,
un jour, elle se posa sur le coin d'un toit
Qui
surplombait un passage étroit.
Soudain,
un jeune garçon surgit,
Les
yeux effrayés, le visage interdit.
Sous
les pattes de Dame Colombe
Eut
lieu un effroyable spectacle.
Les
murs autour de l'impasse, comme autant d'obstacles,
Présageaient,
hélas, une sinistre tombe.
Une
dizaine d'hommes armés jusqu'aux dents
Se
jetèrent sur le malheureux innocent.
À
la fin, il ne resta plus qu'un corps meurtri
Que
Dame Colombe fixait, le cœur anéanti.
Plus
tard, elle assista à la mort d'un jeune enfant
Qui
survint après une lente agonie.
Il
s'éteignit seul, telle une fleur qui se flétrit,
Tel
un frêle brin d'herbe emporté par le vent.
L'oiseau
dévasté battit des ailes avec force,
Voulant
oublier ces visions atroces.
Cependant,
il atterrit dans un funeste désert
Où
la fumée des bombes recouvrait la terre.
Là,
des membres et des chairs ignescentes
Jonchaient
un sol devenu tombeau.
Les
ténèbres enveloppaient de leur sombre manteau
Le
spectre d'une cité inquiétante.
« Où
sont donc les prairies verdoyantes
Et
les beautés célestes que j'ai vues ? »
S'inquiéta
Dame Colombe, l'esprit confus.
« Le
chaos règne sur des âmes absentes,
Détruit
l'innocence et la magnificence.
Est-ce
par bêtise ou par folie
Que
l'Homme, avide de toute-puissance,
Brise
dans chaque recoin du monde le moindre fragment de vie ? »
À
ces mots, Dame Colombe pleura, le cœur serré.
Et
ses larmes ne cessèrent de couler
Dès
lors qu'une journée paraissait et disparaissait,
Se
transformant chaque fois en perles de rosée.
Julie M.