24 octobre 2015

Fable

La complainte de la Colombe


Dame Colombe avait atteint l'âge
Où elle pouvait voler de ses propres ailes.
Elle avait longtemps contemplé le ciel
Dans l'attente du tant espéré voyage.

Elle quitta un jour ses consœurs
Avec un pincement au cœur.
Puis, l'âme légère, elle s'éloigna
Pleine de grâce, le cœur en joie.

Elle survola, enthousiaste et charmée,
Mille et un territoires merveilleux
Où la nature, maîtresse des lieux,
S'imposait avec splendeur et majesté.

Elle se laissa porter par la brise marine
Et contempla la pureté océane où se terminent
Le tumulte du monde, le bruit sourd des machines
Qu'elle avait entendus par-delà les collines.

La caresse du vent sur ses ailes
Emplissait son âme d'une ardeur nouvelle.
La rumeur douce de l'onde claire
Se mêlant aux couleurs crépusculaires

Embrasait sa poitrine chétive
Et provoquait en elle une ivresse inéprouvée.
Alors elle virevoltait, telle une danseuse éthérée,
Entre l'écume et les vagues fugitives.

Or, un jour, elle se posa sur le coin d'un toit
Qui surplombait un passage étroit.
Soudain, un jeune garçon surgit,
Les yeux effrayés, le visage interdit.

Sous les pattes de Dame Colombe
Eut lieu un effroyable spectacle.
Les murs autour de l'impasse, comme autant d'obstacles,
Présageaient, hélas, une sinistre tombe.

Une dizaine d'hommes armés jusqu'aux dents
Se jetèrent sur le malheureux innocent.
À la fin, il ne resta plus qu'un corps meurtri
Que Dame Colombe fixait, le cœur anéanti.

Plus tard, elle assista à la mort d'un jeune enfant
Qui survint après une lente agonie.
Il s'éteignit seul, telle une fleur qui se flétrit,
Tel un frêle brin d'herbe emporté par le vent.

L'oiseau dévasté battit des ailes avec force,
Voulant oublier ces visions atroces.
Cependant, il atterrit dans un funeste désert
Où la fumée des bombes recouvrait la terre.

Là, des membres et des chairs ignescentes
Jonchaient un sol devenu tombeau.
Les ténèbres enveloppaient de leur sombre manteau
Le spectre d'une cité inquiétante.

« Où sont donc les prairies verdoyantes
Et les beautés célestes que j'ai vues ? »
S'inquiéta Dame Colombe, l'esprit confus.
« Le chaos règne sur des âmes absentes,

Détruit l'innocence et la magnificence.
Est-ce par bêtise ou par folie
Que l'Homme, avide de toute-puissance,
Brise dans chaque recoin du monde le moindre fragment de vie ? »

À ces mots, Dame Colombe pleura, le cœur serré.
Et ses larmes ne cessèrent de couler
Dès lors qu'une journée paraissait et disparaissait,
Se transformant chaque fois en perles de rosée.


Julie M.

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