23 novembre 2015

Une société défaillante

   La France, autrefois rayonnant pays des Lumières, est aujourd'hui devenue le désastreux théâtre de la bassesse humaine. 

   Tout d'abord, il est nécessaire de jeter l'opprobre sur ces terroristes, de vulgaires lâches que la vacuité de l'existence et de l'esprit pousse à des actes ineptes et insanes. Ces êtres fragiles psychologiquement projettent la haine qu'ils ont envers eux-mêmes sur les autres et se laissent séduire par des discours belliqueux nourrissant le monstre qui sommeille en eux et légitimant ainsi leur violence. Leur cruauté n'a d'égale que leur bêtise et leur soif de puissance est révélatrice de leur impuissance à jouir de l'existence. Les massacres qu'ils accomplissent, s'ils les croient grands, sont en fait d'une petitesse absolue. 

   Cependant, le chagrin et la peur ne doivent pas entraver la lucidité. Les terroristes ne sont pas les seuls assassins. Nos gouvernements sont aussi responsables des crimes et il est impératif de les blâmer et de les renverser. La France fait partie de ces pays qui ont fourni des armes à Daech. L'Etat est impliqué directement dans les meurtres commis puisqu'il a laissé grossir cette organisation conquérante et a même contribué à son expansion. Le terrorisme servirait-il des intérêts politiques à des Etats-complices ? Les malheureuses victimes des attentats semblent n'être que les pions d'un gigantesque échiquier. Regardons les évènements de plus près ; nous y décèlerons de nombreuses incohérences. Les individus considérés comme de potentiels terroristes – des individus dangereux, donc, susceptibles de passer à l'acte n'importe quand – sont connus et signalés par une fiche S. Or, ils se promènent librement dans le pays. Certains s'autorisent même quelque petit séjour en Syrie et reviennent sans être interpelé. À quoi servent donc les services de renseignement ? Pourquoi ne les interne-t-on pas ? Le gouvernement nous prouve depuis des années qu'il peut changer et inventer des lois à sa guise, alors pourquoi n'a-t-il pas pris les mesures nécessaires pour prévenir cette tragédie et assurer la sécurité de ses citoyens ? Les policiers n'hésitent pas à arrêter des SDF simplement assis dans la rue sans rien dire pour « trouble de l'ordre public », mais ils sont incapables de fermer des mosquées salafistes et d'interpeler des islamistes en puissance. Et subitement, voilà que l'état d'urgence est déclaré : la police s'active, le gouvernement réagit APRÈS que le mal est survenu. Un climat de peur et d'insécurité règne ; les citoyens sont moins méfiants et acceptent facilement qu'on les prive de leurs droits et de leur liberté afin de se sentir protégés. L'on habitue progressivement le peuple à la dictature grâce à toutes les mesures arbitraires prises en réponse aux attentats qui favorisent une surveillance accrue, un contrôle renforcé de la population. Or, ces mesures, comme bon nombre de lois passées, sont dites provisoires mais risquent d'être appliquées de façon définitive. En outre, l'on peut remettre en question ces mesures vagues et nébuleuses. En effet, le porte-parole Bernard Le Foll s'est exprimé ce mercredi 18 novembre 2015 concernant les perquisitions : « Aucune perquisition administrative ne pourra viser les locaux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats, des journalistes. » Pourquoi exclure des catégories sociales dans un contexte qui doit concerner tout le monde ? Le Foll a également déclaré que « le régime des assignations à résidence sera élargi à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ». Cette mesure, par son caractère confus, pourrait donner lieu à des dérives totalitaires et à l'avenir ne plus impliquer seulement les terroristes. Si la droite ou le Front National accèdent au pouvoir – la gauche actuellement n'est guère plus apte à gouverner que ces partis autoritaristes –, le chemin vers le despotisme leur sera déjà tout tracé, favorisé par cet état d'urgence liberticide qui semble plus être un prétexte à la restriction des droits qu'une disposition sécuritaire. En outre, le fait que la cote de popularité de Hollande augmente après un attentat (ce qui fut le cas après celui de Charlie Hebdo) est déplorable. Il est plus facile de réagir que de prévenir. Ce n'est pas parce que les hommes politiques n'ont pas de sang sur les mains qu'ils ne sont pas coupables. Hollande et Sarkozy sont aussi les responsables de ces massacres et favorisent, par leur impéritie, la montée de l'extrémisme de droite, la haine sociale, la guerre et la violence. Leurs discours oiseux sont prononcés dans le but d'endormir la population et de lui faire oublier leurs erreurs répréhensibles. Ne nous laissons pas manipuler par ces assassins en costume impeccable qui utilisent les grands mots afin d'éveiller la conscience patriotique des citoyens. N'oublions pas que ces évènements leur sont bénéfiques, que le patriotisme est une gangrène qui sert une élite dirigeante, car la guerre a toujours été profitable à un nombre restreint de personnes, des élus capitalistes avides de pouvoir et de richesses.

   Le traitement de l'information à la télévision est également à blâmer. Où sont l'analyse et l'objectivité dans cette information qui fait appel à l'émotivité et non à la réflexion ? Parler du visage grave du président, mettre des chants républicains en fin de journal sont hors de propos. Les actualités prennent la tournure d'une émission de télé-réalité où des badauds imprudents et insensés risquent leur vie pour prendre des photos et des vidéos au plus près de l'action, sans se soucier de gêner les forces de police. Les journalistes, quant à eux, orientent les masses, les incitant à l'union nationale et à la solidarité qui ne sont autres que la manifestation d'une pensée unique triomphante, tandis qu'au sein de l'Assemblée nationale les élus se dévorent comme au centre d'une arène. 

   Enfin, il est primordial de remettre en question la réaction des citoyens eux-mêmes. Dans les coulisses de ce théâtre morbide se forme une mise en scène populaire immorale. Sur Facebook, les photos de profil qui revêtent un drapeau français sont pour la plupart un prétexte pour se mettre en avant, révélant alors une forme de narcissisme malsain. Si certains seront sincères, une majorité de personnes sautent sur l'occasion de s'afficher, ne réfléchissant pas à l'image qu'ils reflètent. Le drapeau français recouvre alors des photos de fête où des quidams font du surf, boivent un verre, affichent un large sourire tandis que des personnes ont connu l'horreur et sont mortes d'une manière atroce. Désormais, même dans l'émotion, tout le monde réagit de la même manière et accepte qu'une multinationale – Facebook – dicte leur façon de répondre à un événement. Chaque individu réagit différemment dans le deuil, dans la souffrance, de façon générale dans l'émotion, c'est ce qui fait de nous des êtres humains. Or, aujourd'hui, chacun réagit automatiquement, mécaniquement, révélant une absence de personnalité, d'humanité, dans un moment pourtant où la vie humaine est au centre des évènements. Des slogans absurdes circulent tels que « Pray for Paris » alors que nous sommes dans un pays laïc. Les gens prennent des selfies, montrant qu'ils sont là pour paraître et non pour soutenir les familles déchirées, et le chant de la Marseillaise est entonné çà et là par une foule en liesse qui semble oublier les macabres actualités. Ce chant résonne un peu partout en France alors que c'est un chant de guerre au caractère nationaliste qui invite le peuple à s'unir pour aller combattre. Or, ce n'est pas notre guerre mais celle du gouvernement. Le peuple est la victime collatérale d'une lutte qui ne le concerne pas. Les évènements actuels sont le résultat d'un système défaillant dont la démocratie a disparu. L'Etat décide tout sans consulter les principaux intéressés, les citoyens. Lorsque l'Europe a choisi de faire entrer des milliers de migrants, le peuple, à aucun moment, n'a eu droit à un référendum. Les médias filment des manifestations en faveur de cette décision, parlant de mouvement de solidarité. Or, tous ces rassemblements se parent d'un voile d'hypocrisie. L'on pleure les victimes d'un attentat et les réfugiés, alors que cela fait des années que des Français victimes du système capitaliste meurent dans nos rues ou vivent dans des conditions précaires inhumaines. Évidemment, la barbarie est inadmissible, mais il existe plusieurs formes de barbarie et il faut être aveugle pour ne pas voir celle qui sévit sous nos yeux, tous les jours, depuis des années. Ces attentats sont le fruit de problèmes internes à notre pays que nous avons laissé croître en restant passifs. Aujourd'hui, l'on brandit les étendards patriotiques, l'on utilise les grands mots : liberté, égalité, fraternité... Cessons de jouer les hypocrites. Certes, le terrorisme est un mouvement liberticide et obscurantiste. Mais cela fait longtemps que la France a perdu ses couleurs et ses valeurs. Peut-on encore parler de liberté quand le peuple, esclave de la société, dépend d'un patron et d'un salaire pour vivre ou plutôt survivre ? Peut-on encore parler d'égalité quand la justice privilégie les puissants et condamne les petites gens ? Peut-on encore parler de fraternité quand il est encore question d'homophobie, de racisme, d'intolérance ? Ce pays des droits de l'Homme a cessé d'exister depuis longtemps et en ces temps troubles il est nécessaire de ne pas suivre l'instinct grégaire de la population, de se laisser embrigader par l'engouement populaire et de ne pas perdre de vue ceux qui bafouent nos droits humains. Il est temps de replacer l'individu au cœur de la sphère sociétale et de réformer ce système mortifère. Il est temps également de réapprendre à penser, car aujourd'hui l'on ne pense plus. Notre esprit est gouverné par des codes sociaux, par une pensée unique véhiculée par les médias, par un gouvernement hypocrite. N'ayons pas peur d'affirmer nos opinions, surtout si elles vont à l'encontre de la pensée dominante. Le terrorisme est une façade qui masque bon nombre d'enjeux politiques. Bienheureux sont les gouvernements face à la mobilisation citoyenne qu'ils voient comme un immobilisme démocratique. Ce rassemblement massif rassure le peuple quant à son engagement au sein de la société car durant des années, quand l'Etat le privait de ses droits petit à petit en augmentant la TVA, en reculant l'âge de la retraite, en délocalisant des entreprises, en créant la psychose autour du chômage, en réformant les programmes scolaires, en inventant l'esclavagisme moderne, il n'a pas bougé un pouce. Jamais il n'y a eu de manifestation en faveur des pauvres qui sont dans notre pays alors pourquoi cette hypocrite mouvement de solidarité envers les pauvres des autres pays ? Ce sont les ploutocrates qui nous dirigent qui doivent agir et permettre une répartition égale des richesses afin d'enrayer la misère. Ce n'est pas à nous, citoyens moyens qui nous endettons à la fin du mois, d'aider les plus pauvres au risque de les rejoindre. 

   Qu'attendons-nous pour réformer cette société décadente ? La guerre sert les intérêts des mêmes personnes depuis toujours et le grand perdant est toujours le peuple. Le patriotisme est à bannir, car il profite à des partis politiques pernicieux et attise la haine, engendre la violence. Ce qui compte avant tout, c'est la vie humaine, l'existence humaine si brève et pourtant gâchée par les institutions religieuses et politiques qui ont les mêmes ambitions. Le peuple doit reprendre le pouvoir et décider lui-même de l'existence qu'il souhaite avoir. Sinon, il accepte la dictature qui s'instaure progressivement, renonce à son libre-arbitre et se dévêt de son humanité. Les attentats qui ont eu lieu ne sont que le début d'une longue lutte qui ne se joue pas seulement entre les combattants de l'Etat Islamique et l'Occident, mais également entre les dirigeants qui rejettent la démocratie et le peuple qui s'est absenté depuis trop longtemps de la scène publique. 




Julie M.

3 commentaires:

  1. Encore une fois, un texte magnifique où TOUT est dit et bien dit. Merci beaucoup. Ca fait fait vraiment du bien par les temps qui courent...

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  2. Qui sème le vent récolte la tempête

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  3. J'aimerais traduire certains de ces magnifiques textes eb allemand et les publier, mais malheureusement aucune possibilité apparente de prendre contact avec l'auteur.

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